L’essor de l’économie numérique a transformé le marché du travail notamment depuis la crise sanitaire de la Covid-19. Les services en ligne, facilement accessibles depuis nos smartphones, se sont multipliés. Le marché du travail a suivi cette évolution en offrant une flexibilité sans précédent aux entreprises digitales grâce aux travailleurs de plateforme. Ce sont généralement des indépendants. Si ce terme peut laisser à penser que ces travailleurs 2.0 sont plus libres dans les créneaux horaires, le choix des tâches et des clients, la réalité est tout autre pour nombre d’entre eux.
Voici les caractéristiques des travailleurs de plateforme, leur impact économique et social, ainsi que les initiatives prises pour améliorer leurs conditions de travail.
Caractéristiques des travailleurs de plateforme
Profils types, tâches et secteurs concernés
Selon une étude de Boren Tobelem de 2023, 500 plateformes numériques sont implantées en Europe, les plus connues sont certainement Uber, Deliveroo, Upwork et Malt. Elles opèrent dans divers secteurs tels que le transport (39 %), la livraison (24 %), les services à domiciles (19 %) et les métiers d’indépendants du numérique (6 %), d’après une étude du Conseil de l’Union européenne. Les profils des freelances sont divers, allant des étudiants aux professionnels à temps plein en passant par des travailleurs cherchant un revenu complémentaire..
Théoriquement, le statut d’indépendant des travailleurs de plateforme devrait leur permettre d’accéder à des avantages que les salariés ne peuvent prétendre. L’avantage emblématique étant la liberté dans les horaires de travail, le choix des tâches et des clients, etc. Mais cette flexibilité est plutôt un avantage accordé aux plateformes numériques.
Flexibilité, avantages et risques
Dans la réalité, les travailleurs de plateforme sont plus souvent considérés comme du personnel appartenant aux plateformes numériques. Néanmoins, ils ne profitent pas des avantages du salarié comme la sécurité de l’emploi, le salaire minimum, la limitation du temps de travail hebdomadaire, les congés payés, le chômage (Boran Tobelem, 2023). De plus, ils bénéficient d’une mauvaise couverture sociale, voire d’aucunes. Plus de 55 % d’entre eux ne sont pas couverts en cas de maladie ou d’accident du travail.
La « flexibilité » du travailleur de plateforme s’accompagne donc de risques liés à ces absences de protections sociales, comme des maladies mal soignées ou des accidents non déclarés. Ce nouveau type de métier suscite des interrogations sur les conditions de travail, l’instabilité financière et la retraite. En d’autres termes, le bien-être général du travailleur de plateforme est de mauvaise qualité.
Impact économique et social des travailleurs de plateforme
Benjamin Perraud (2022) cite le rapport de l’OIT qui estimait que « le nombre de plateformes de travail numériques a été multiplié par cinq au cours de la dernière décennie ». Ces plateformes participeraient à la croissance des emplois créés (+7 % par an). Et l’expansion de ces services, par la création de nouvelles opportunités et l’accès à de nouvelles ressources, se réalise grâce à la présence des travailleurs de plateforme.
Bien que la création d’emplois soit vue d’un bon œil, les autorités gouvernementales souhaitent mieux protéger les droits des travailleurs de plateforme. Les pouvoirs politiques et gouvernementaux se sont emparés du sujet.
Initiatives pour améliorer les conditions des travailleurs de plateforme
En 2016, la loi Travail du 8 août impose aux plateformes une responsabilité sociale envers les indépendants, leur permettant de s’organiser syndicalement. En 2021, la Commission européenne propose de clarifier le statut des travailleurs de plateformes. Cette directive est adoptée par l’UE en mars 2024 et ajoute de nouvelles règles concernant l’emploi créé par une plateforme numérique. Celles-ci permettraient de reconsidérer le statut des travailleurs et de leur permettre un accès à des droits sociaux qui accompagnent le statut de salarié. Mais à la condition que leur relation avec la plateforme remplisse au moins deux conditions sur les cinq énoncés :
- Limites sur la rémunération que les travailleurs peuvent recevoir.
- Surveillance de l'exécution du travail, y compris par des moyens électroniques.
- Supervision de la répartition ou de l'attribution des tâches.
- Contrôle des conditions de travail et restrictions sur la flexibilité des horaires de travail.
- Restrictions sur la liberté d'organiser son travail et règles concernant l'apparence ou le comportement.
En France, le Sénat a déposé en avril 2024 une proposition de résolution à son application au droit français.
De leur côté, certaines plateformes adoptent des modèles alternatifs axés sur le bien-être des travailleurs. On peut citer CoopCycle, une coopérative de livreurs à vélo qui garantit des conditions de travail équitables et des rémunérations justes. Autre exemple avec Fairbnb, une alternative à Airbnb qui reverse une partie de ses commissions à des projets communautaires.
Pour la protection sociale des travailleurs de plateforme, des entreprises comme Jump proposent des services qui offrent les avantages d’un CDI afin de sécuriser les freelances.
Mieux comprendre les travailleurs de plateforme pour les protéger
Les travailleurs de plateformes sont essentiels, mais font face à des défis tels que l’instabilité financière et le manque de protections. Une meilleure compréhension de ces travailleurs est cruciale pour adapter les politiques et les protections sociales à la nouvelle économie numérique.
Des actions concrètes sont nécessaires :
- renforcer les régulations
- faire adopter des pratiques éthiques par les plateformes numériques
- soutenir les initiatives qui protègent les travailleurs
La collaboration entre gouvernements, entreprises et consommateurs est essentielle pour créer un environnement de travail plus équitable et sécurisé.