Entre scénario prospectif et dystopie, les robots sont l’objet de nombreux fantasmes quant à l’avenir du travail et de l’emploi. Dans quelle mesure peuvent-ils et vont-ils remplacer l’humain ?
Les robots versus la pénibilité.
Quand on parle de robots dans le monde du travail, on parle avant tout d’automatisation. Tout ce qui peut être numérisé ou industrialisé l’est soit pour des raisons économiques, soit pour des raisons de productivité. Si les robots remplacent l’humain sur de plus en plus de tâches répétitives, ils lui épargnent avant tout un labeur peu qualifiant et peu gratifiant. Ils deviennent les exécutants. La machine adjuvante n’est pas nouvelle : tracteurs, moissonneuses-batteuses, etc. Ce n’est plus la main de l’homme qui exécute mais c’est elle qui donne l’ordre. Les bras mécaniques de ses machines s’occupent du reste.
Les machines ont été symbole de révolution industrielle. Les robots nous amènent-ils vers une nouvelle révolution ?
Travailler avec ou travailler contre : faire la part des choses entre méfiance, crainte et tremplin.
Des économistes ont démontré qu’il n’existe aucune corrélation entre innovation et chômage. Que ce soit Robert Solow ou Olivier Blanchard, chacun voit l’innovation de façon positive (leur ouvrage collectif : Productivity and unemployement). Les robots ne vont plus seulement accompagner le travail de l’homme et le rendre moins pénible, ils vont également faire preuve d’une efficacité voire d’une rapidité plus grande que celles de l’humain. L’évidence de cette nouvelle intelligence rend illusoire l’envie de s’en affranchir dans le monde du travail. Il est d’ailleurs impératif de penser le travail de l’homme et de la machine en binôme. Eric Schmidt, Chairman d’Alphabet (la maison mère de Google), met un point d’honneur à ne pas occulter certains aspects négatifs de la robotisation, mais considère qu’ils sont largement supplantés par l’impact positif des robots.
Le Massachusetts Institute of Technology (MIT), Institut spécialisé en sciences et technologies, envisage l’interactivité homme-robot comme un véritable travail d’équipe. En ce qui concerne les outils de sécurité informatique, la répartition des rôles est simple : les machines ou intelligences artificielles assurent une rapidité de travail dont les hommes ne sont pas capables. L’intervention humaine est alors nécessaire pour faire le tri dans ces informations récoltées par les machines et prendre les décisions. « Homme et intelligence artificielle semblent donc parfaitement complémentaires pour réaliser certaines tâches, ce qui devrait mettre de sérieux bâtons dans les roues des cyber délinquants » explique un article sur le projet AI² du MIT.
La robolution en marche ?
S’il faut bien retenir une chose, c’est qu’à l’heure actuelle, les robots ne fonctionnent pas tout seuls. Ils doivent être mis en marche, entretenus, mis à jour, réparés, voire même recyclés en fin de vie. La robotisation crée des emplois spécialisés, techniques, et qui les concernent directement. Il s’agit donc de métiers de maintenance ou de gestion opérationnelle qui demandent des qualifications. Or les robots tendent à remplacer des métiers manuels ou ouvriers. Les vases ne sont donc pas communicants. Un ouvrier ne devient pas ingénieur en robotique du jour au lendemain.
Il est vrai que l’automatisation de certaines tâches fait peser une menace sur de nombreux emplois. Selon les chiffres de l’étude menée par le cabinet Roland Berger et ceux de l’OCDE, ce sont entre 2.4 millions et 3 millions d’emplois qui sont menacés d’ici 2025.
Une étude du MIT menée par Daron Acemoglu et Pascual Restrepo en 2017 indique que la création d’emplois due à la robotisation ne compense pas la suppression de postes moins qualifiés. En 2016, ces chercheurs envisageaient la robotisation comme une transition positive en termes de rémunération, mais pour certains elle génère surtout des craintes. Ce changement de paradigme s’est fait très rapidement, ce qui souligne en un sens l’urgence d’appréhender la robotisation d’un point de vue social et sociétal.
Les chercheurs estiment qu’un robot dans une entreprise de 1000 personnes supprimerait 6.2 postes. D’autant plus qu’un robot arrive plus rapidement sur le marché qu’un employé. Une chose est sûre, l’automatisation des tâches entraîne une progression à deux vitesses : les robots vont plus vite que les employés ne se forment.
Comment compenser ?
Combler la perte d’emplois causée par l’automatisation des tâches constitue la question fondamentale de cette transition à venir. La taxe sur les robots est une idée qui a fait son chemin lors de la dernière élection présidentielle française ; idée qui a aussi germé dans l’esprit de Bill Gates. Le fondateur de Microsoft estime nécessaire de compenser la destruction d’emplois que représente la robotisation. Si les robots remplacent les travailleurs en créant toujours plus de richesse, cette marge devrait être remployée socialement. Les employés cotisent tout au long de leur carrière et en ce sens la logique de contrepoids voudrait que les robots aussi « paient » des charges.
Penser la robotisation ou non de la société semble caduque. Il s’agit d’une transition qui se fera sans aucun doute. Toutefois la question qui se pose est la suivante : l’automatisation du travail ne donnerait-elle pas lieu à une revalorisation de l’artisanat et des métiers sociaux ? Le fruit de la main de l’homme pourrait devenir un luxe comme c’est déjà le cas dans de nombreux domaines (mode, horlogerie, etc.). L’homme lui-même serait au centre de tous les métiers d’aide, d’encadrement, d’enseignement et d’accompagnement social.
Bill Gates pense cette transition en ces termes : « si vous pouvez prendre les travailleurs que l’automatisation remplace, et si financièrement, en termes de formation et d’accomplissement personnel, vous pouvez envoyer cette personne faire d’autres choses, vous prenez une avance très nette. » La compensation prendra probablement racine dans la formation et la reconversion, quitte à faire naître des métiers qui n’existent pas encore aujourd’hui.