Tout ce qui est collaboratif a aujourd’hui le vent en poupe. Il en est ainsi du recrutement collaboratif.
Le recrutement collaboratif est-il une tendance du moment ou une véritable technique pour un recrutement efficace ? La seconde semble plus appropriée. En effet, une étude Deloitte évalue à 1 500 € par employé chaque année les effets d’une meilleure collaboration sur les tâches et plus de partage des idées. Cela s’accompagne de nettes améliorations de la qualité résultant de la collaboration sur le lieu de travail (évaluées à 2 300 € par employé chaque année).
Cependant, la collaboration n’est pas acquise dès que les recruteurs en parlent. Elle doit être pleinement intégrée au processus de recrutement et à la philosophie de l’entreprise. Dans le cas contraire, le recrutement collaboratif risque de faire plus de mal que de bien.
Il s’agit d’un mode de recrutement qui n’implique plus seulement le service des ressources humaines. Une équipe ouverte de recruteurs est constituée. Plusieurs personnes sont impliquées. Cela va du technicien pour un poste similaire à celui de l’objet du recrutement, à l’ensemble du personnel globalement. Il peut ainsi recueillir la collaboration d’un expert extérieur (externalisation partielle ou totale du recrutement) que de n’importe quel employé en interne.
Le principe est simple : plusieurs têtes pensantes valent mieux qu’une seule. En impliquant plus de gens dans un recrutement, les biais individuels sont limités. C’est d’ailleurs l’une des principales raisons de l’externalisation d’un recrutement. L’évaluation d’un candidat ne sera plus affectée par l’humeur ou la condition physique du recruteur. Ainsi, il en résulte plus d’objectivité et d’efficacité.
Deuxièmement, lorsque vous impliquez vos salariés dans le choix de leur futur collaborateur, les relations sont plus fluides. Plus encore, cette inclusion signifie que vous reconnaissez la valeur du salarié, pour l’impliquer dans le recrutement de ses pairs. Selon une enquête réalisée par ZIPPIA, 75 % des employés estiment que la collaboration au travail est "très importante". Il en résulte que cette inclusion favorise en même temps l’engagement collaborateur, la rétention des employés ainsi que l’amélioration de l’image de marque employeur.
Troisièmement, la diversité est un autre avantage du recrutement collaboratif. Il n’y a plus de place pour l’arbitraire dans le processus de recrutement. S’il ne s’agit pas d’une solution miracle contre toutes les formes de discrimination, il s’agit d’une grande avancée en faveur de la diversité et de l’inclusion.
Enfin, opter pour un travail d’équipe dans le cadre d’un recrutement, c’est aussi se donner les moyens de réduire son temps de recrutement. Chacun sait ce qu’il a à faire et en combien de temps il doit le faire. Diviser ainsi les tâches permet donc d’économiser du temps.
Voici le premier risque d’un recrutement collaboratif : se mettre à plusieurs pour conforter une mauvaise idée, habitude ou décision. Lorsque le chef ou une personne qui en a le tempérament émet son avis par rapport au recrutement, tous les autres le suivent, souvent parce qu’ils ne veulent tout simplement pas s’en soucier ou y penser. C’est l’effet de meute. Le recrutement collaboratif est alors biaisé.
Le biais de cascade peut aussi survenir lorsque le processus de recrutement collaboratif n’est pas correctement mis en place. C’est le cas où une personne donne son opinion à une autre avant que celle-ci n’ait pu se faire la sienne. Elle est donc influencée, dénaturant totalement le travail d’équipe, l’inclusion et la diversité requis dans un recrutement collaboratif. Le biais individuel de la personne en amont, tombe en cascade, en aval, dans le collectif.
L’effet miroir est un phénomène de société assemblant les personnes qui se ressemblent. Elle est aussi appelée effet « Blade Runner ». Il est question d’une préférence inconsciente des personnes qui nous ressemblent (même cursus, même ville, même sexe, …), sans mauvaise intention de discriminer. D’après les observateurs sociaux, ce phénomène est à l’origine du non-recrutement des femmes dans la Silicon Valley. Ce risque est omniprésent lorsque les recruteurs collaborateurs n’ont pas des profils différents.
Si le sourcing n’est pas diversifié, le nombre de têtes qui décident lors du recrutement importe peu. En diversifiant le sourcing, vous êtes sûr d’avoir des profils divers qui peuvent attirer un des recruteurs en place plutôt qu’un autre, et générer un véritable débat productif dans l’équipe de recrutement. Idées de sourcing démocratisé : les écoles et universités, des associations pertinentes, des forums spécifiques, des cabinets spécialisés – en plus d’un recrutement traditionnel sur votre page ou site carrière.
Collaboratif ne signifie pas automatiquement objectif. Les risques d’effet de meute, de biais de cascade ou d’homophilie sont bien réels. Aussi, pour un recrutement collaboratif efficace, il faut toujours disposer d’une grille de recrutement retraçant les critères précis d’un candidat-type. Cette même grille doit être accessible et annotée par tous, par écrit, pour des réactions partagées à froid plutôt qu’à chaud. En effet, les biais individuels sont omniprésents à chaud, et plus contrôlés à froid.
Le recrutement collaboratif doit aussi être facile pour tous. Sinon, la paresse et l’indifférence vont gagner certains membres de l’équipe. À cet effet, faites usage de bons ATS (Applicant Tracking System) pour permettre l’accès à toutes les parties prenantes. Elles pourront y placer leurs commentaires, tout en conservant une trace écrite centralisée. Les réseaux sociaux sont aussi utiles, pour permettre la collaboration de tous au-delà du cadre formel, ce qui est bon pour l’image de marque employeur. Enfin, veillez à ce que tous les collaborateurs au recrutement aient accès à des outils de visioconférence et une messagerie interne ouverte, s’ils participent aux tests et interviews.
Autre condition d’efficacité d’un recrutement collaboratif : une bonne structuration. La collaboration au recrutement ne s’improvise pas.
Il faut d’abord une réunion de préparation, en amont. L’objectif est d’informer (voire de former) en détail sur ce qui va se passer et comment cela va se passer.
Ensuite, déterminer à l’avance les étapes et les règles du jeu. À quel moment la collaboration de telle ou telle personne est-elle requise ? Quel sera son rôle ? Par exemple, pour le recrutement d’un ingénieur-développeur, le chef du département Recherche et Développement pourra être chargé d’évaluer la partie technique. Un membre d’une association sportive rattachée à l’entreprise pourra donner son avis sur la capacité à travailler en équipe. L’équipe des RH et du Manager général devra donner son avis sur la corrélation entre l’individu et la culture de l’entreprise. La grille d’évaluation devra être expliquée et donnée à l’avance.
Enfin, il est important de dire que le recrutement collaboratif doit se consolider par un onboarding tout aussi collaboratif. Sinon, l’entreprise détonne sur l’image qu’elle veut faire ressortir et risque de perdre en efficacité. Conviez toute l’équipe de recrutement, le service de destination entier, voire tout le personnel à l’accueil du nouveau candidat. Il est aussi possible de lui trouver un mentor.